Les professeurs de langues vont-ils être remplacés par l’IA ?
- Agnes Szy
- 15 mars
- 4 min de lecture

Cette fois, ce n’est pas la présentation d’une fiche pédagogique, mais un sujet qui nous concerne tous directement. Je m’adresse à vous, mes chers clients, professeurs de langues.
Moi aussi, je me pose la question. Professeure de FLE depuis des années, j’ai bâti ma carrière en accompagnant des étudiants du monde entier. J’ai vu les tendances évoluer, les outils pédagogiques se multiplier, et aujourd’hui, une nouvelle révolution est en marche : les modèles d’intelligence artificielle.
Vont-ils nous remplacer ?
C’est une inquiétude légitime. D’autres professions ont déjà été bouleversées. Une amie à moi, qui travaillait dans la post-production cinématographique, a vu son entreprise perdre deux tiers de ses clients en seulement six mois. Pourquoi ? Parce que l’IA peut générer des vidéos en quelques secondes, pour une fraction du coût.
Les enseignants vont-ils suivre le même destin ?
J’ai recueilli plusieurs témoignages de professeurs qui, comme moi, réfléchissent à cette question.

1. "Mes étudiants ne font même pas leurs Quizlet…"
François, professeur de FLE depuis 15 ans, est sceptique.
"Je n’y crois pas une seule seconde. Pourquoi ? Parce que je connais mes étudiants. Pendant le cours, je note le vocabulaire sur Quizlet. Je leur envoie la liste après la séance et leur dis : ‘Revoyez ces mots, on les révisera ensemble la semaine prochaine.’ Vous savez combien d’entre eux le font ? Une minorité. Pourtant, c’est gratuit, automatique et accessible en un clic. Alors, s’ils ne sont pas capables de cliquer sur un lien pour s’entraîner cinq minutes, comment peut-on croire qu’ils vont soudainement se discipliner avec une IA ? Ce qui les pousse à travailler, c’est la présence humaine, la pression sociale. Ils viennent en cours pour ne pas me décevoir, parce qu’ils savent que je vais leur poser des questions. Je compare ça au sport : je pourrais suivre un programme gratuit sur YouTube, mais je préfère payer un coach 25 euros de l’heure. Parce que je sais qu’il m’attend, qu’il me regarde, et que je ne peux pas tricher. L’IA ne remplacera jamais cette dynamique."

2. "C’est fini, nous allons disparaître."
Mélanie, enseignante indépendante, est bien plus pessimiste.
"Soyons honnêtes : qui refuserait un professeur disponible 24h/24, qui ne se fatigue jamais, qui n’oublie rien et qui s’adapte en temps réel à vos besoins ? Et en plus, qui coûte 10 fois moins cher ? L’IA est patiente, elle n’a pas de mauvais jours, elle ne se lasse pas de répéter encore et encore les mêmes explications. Elle peut corriger nos fautes instantanément, proposer des exercices adaptés, et même nous faire la conversation avec une voix naturelle. À terme, je suis convaincue que la majorité des étudiants préféreront cette option. J’ai déjà commencé à chercher une reconversion. L'enseignement tel qu'on le connaît aujourd'hui est condamné."

3. "Et si on coopérait avec l’IA ?"
De son côté, Karim, professeur d’anglais, voit les choses différemment.
"Plutôt que de nous inquiéter, pourquoi ne pas voir l’IA comme un outil complémentaire ? Personnellement, elle m’aide déjà énormément. Quand j’ai un élève qui travaille dans un domaine très spécifique, par exemple la construction, je ne suis pas un expert du vocabulaire technique. Avant, je devais passer des heures à chercher des ressources adaptées. Aujourd’hui, je demande simplement à ChatGPT de me générer une liste de mots-clés. L’IA ne remplace pas mon rôle, elle l’amplifie. Je gagne du temps, je propose un contenu plus riche, et mes étudiants sont ravis. Pour moi, l’avenir n’est pas une compétition entre les professeurs et l’IA, mais une collaboration intelligente."

Mon avis : une transformation plus qu’une disparition
Je partage en grande partie l’avis de Karim. Je pense que l’IA va profondément transformer notre métier, mais pas forcément nous faire disparaître.
Certaines tâches peuvent être automatisées :
L’apprentissage du vocabulaire et de la grammaire peut très bien être géré par un modèle IA.
Les exercices de compréhension et de prononciation aussi.
Même la conversation basique peut être simulée avec une IA performante.
Mais qu’en est-il de l’aspect humain ?
L’apprentissage d’une langue n’est pas seulement une question de mots et de règles. Il y a une dimension culturelle et émotionnelle. La communication passe aussi par le gestuel, l’intonation, les intentions, que l’IA, pour l’instant, ne sait pas bien décrypter. L'étudiant se tait, a l'air troublé... AI ne comprendra pas qu'il a besoin de temps pour formuler sa pensée, qu’il doute, qu’il a peut-être peur de se tromper. L’IA ne percevra pas son hésitation comme un appel à reformuler autrement, à l’encourager d’un regard bienveillant ou à lui laisser un silence rassurant. Elle ne captera pas non plus son malaise lorsqu’une explication technique devient trop abstraite, ni le besoin d’adapter immédiatement l’approche pour le remettre en confiance. C’est là que le rôle du professeur humain reste irremplaçable.
En revanche, une inquiétude me traverse l’esprit : aurons-nous encore des étudiants dans quelques années ?
Quand les technologies de traduction seront si avancées qu’il suffira de porter un casque pour comprendre n’importe quelle langue en temps réel, que restera-t-il de la motivation à apprendre une langue étrangère ?
En même temps, aujourd’hui, une grande partie de mes élèves apprennent le français par passion :
Parce qu’ils ont un conjoint francophone.
Parce qu’ils aiment la langue et la culture.
Parce qu’ils veulent lire en français.
Ceux qui ont une nécessité professionnelle représentent une minorité, et souvent, leur motivation est plus faible.
Si demain, un casque de traduction permet à tout le monde de communiquer sans effort, la nécessité d’apprendre une langue va encore diminuer.
Alors, que faire ?
Je pense que nous, professeurs de langues, devons nous adapter dès maintenant. L’IA peut être une menace, mais aussi une formidable opportunité :
✅ Utiliser des outils IA pour enrichir nos cours.
✅ Proposer un accompagnement humain et personnalisé que l’IA ne peut pas offrir.
✅ Insister sur la culture, l’émotion, la communication authentique.
L’IA changera notre métier, c’est certain. Mais elle ne pourra jamais remplacer ce qui fait la richesse d’un échange entre deux êtres humains.
Qu’en pensez-vous ? Est-ce que vous avez déjà intégré l’IA dans votre enseignement ? Faites-moi part de vos expériences dans les commentaires !
C'est vrai qu'il y a beacoup d'étudiants qui ne peuvent pas / ne veulent pas utuliser même Quizlet, pour les raisons différentes. Et il y a ceux qui ont besoin d'un professeur comme un partenaire lingustique - une personne avec qui on peut discuter, rire, partager quelque chose. Peut-être les prochaines générations apprendrons les langues avec l'IA, mais cela ne va pas commencer si vite.